
Dans un paysage en mutation, marqué par l'extraction de granulats et l'optimisation de la navigation fluviale, les espèces pionnières des forêts alluviales possèdent peu de zones favorables à leur régénération. Pour la première fois dans la Bassée, une étude est initiée pour déterminer la présence, la distribution et la diversité génétique des populations de Peupliers noirs, afin de proposer des préconisations de conservation des populations.
Populus nigra : valeur intrinsèque et ressource génétique pour la sylviculture
Espèce emblématique des ripisylves, Populus nigra présente de nombreux intérêts tant pour les écosystèmes alluviaux que pour la société. Les forêts alluviales, où l’espèce est présente, possèdent différents atouts écologiques : cortège floristique et faunistique particulier, rôle épurateur des eaux, zone tampon entre rivières et milieux agricoles adjacents ou encore action protectrice vis à vis des berges. En outre, l’espèce possède un intérêt économique en étant impliquée dans des programmes européens d’amélioration sylvicole. Populus nigra est une des espèces sauvages parente des peupliers « euraméricains » cultivés. Par conséquent, c’est précisément dans ce réservoir sauvage que les "améliorateurs" puisent pour rechercher des gènes de résistance à des maladies comme le rouiller du Peuplier Melampsora spp (Villar et al. 2005).
Une espèce inféodée aux milieux riverains
Malgré ces multiples intérêts, Populus nigra présente une vulnérabilité et une menace de conservation à long terme sur certaines plaines des grands fleuves français et européens. Le renouvellement des générations de cette espèce pionnière est mis en péril par l’absence de sites disponibles pour la régénération, par les problèmes de consanguinité, par la pollution génétique par hybridation avec les différents cultivars euraméricains et interaméricains utilisés en populiculture et par l’introgresion avec les Peupliers d’Italie. Ainsi, il existe un risque de perte de capacité d’adaptation à long terme. Différents sites majeurs de la conservation, où la dynamique fluviale s’exprime encore, sont présents sur la Drome, l’Allier et la Loire. Dans d’autres plaines, comme celle du Rhône, de la Seine, de la Garonne ou du Rhin, les régénérations ne sont plus possibles (Villar et al. 2006) car ces grands fleuves sont fortement canalisés.
De nombreuses expériences européennes (Pont, B 1999 ; Villar et al. 2006 ; Lefèvre et al. 1998 ; Vanden Broeck, 2001) dont le « Populus nigra network » de l’EUFORGEN (European Forest Genetic Ressources Programme) relatent, chaque année, les actions et montrent que le Peuplier noir est un enjeu majeur pour nos sociétés. Les objectifs de conservation nécessitent un retour au fonctionnement naturel des fleuves afin que des zones de régénération pour l’espèce se maintiennent. Sur les fleuves canalisés à dynamique latérale très faible, la solution appropriée semble être la réhabilitation de boisements alluviaux sur les ripisylves ou encore sur les milieux riverains exploités, telles que les gravières. L’objectif est le maintien ou la création d’un réseau de populations permettant une conservation dynamique favorisant la reproduction sexuée et la régénération naturelle qui maintiendra la capacité d’adaptation du Peuplier noir à long terme.
L'extraction de granulats : une opportunité pour la régénération de cette espèce pionnière ?
Située à 80 km en amont de Paris, la Bassée correspond à la plaine alluviale de la Seine. Ce territoire est la zone humide la plus importante de la vallée de la Seine et de la région Ile-de-France. Dans ce secteur, de nombreuses activités marquent le paysage : l’extraction de granulats, la sylviculture, l’agriculture et la protection de milieux naturels remarquables, dont certains bénéficient de statuts de protection importants. Fortement impliquée dans la gestion de certains de ces milieux, l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing et du massif de Fontainebleau (A.N.V.L), en partenariat avec l’Unité Amélioration, Génétique et Physiologie Forestières de l’INRA d’Orléans, souhaite aujourd’hui mener une étude sur les forêts à Peupliers noirs de la Bassée. Ce travail permettra d’amorcer un état des lieux et des propositions de conservation sur cette partie du fleuve ou les études sur l’espèce sont limitées. L’objectif est de proposer une gestion et une protection de ces écosystèmes qui semblent en voie de régression. En effet, la canalisation de nombreuses portions de la Seine ne permet plus la création de zones de dépôts colonisables par les espèces pionnières. Ainsi, la question de la régénération assistée des espèces de boisements riverains se pose, et ce, plus particulièrement pour le Peuplier noir. La question de la réintroduction de l’espèce dans certains secteurs est également pressentie.
Bibliographie :
Lefèvre, F., A. Legionnet, S.M.G. de Vries and J. Turok. 1998. Strategies for the conservation of a pioneer tree species, Populus nigra L., in Europe. Genet. Sel. Evol. 30 (Suppl.1): S181-S196.
Pont, B. (1999), Plan de gestion de la réserve naturelle de l’île de la platière, Association des amis de la réserve naturelle, Sablons, 127 pages + annexes.
Villar, M., Chantereau, M., Forestier, O., Le Bouler, H., Collin, E. (2005), Conservation et valorisation de deux espèces forestières ligériennes : le peuplier noir et l’orme lisse
Villar, M. ; Forestier, O. (2006), Ressources génétiques du peuplier noir dans la plaine rhénane alsacienne : états des lieux, programme de conservation et perspectives. WSG Baden Württemberg 10, 85-93.
Vanden Broeck and os an lycken, Progress on national activities on gene conservation of P. nigra in Belgium, in Populus nigra Network, Report of the seventh (25–27 October 2001, Osijek, Croatia) and eighth (22–24 May 2003, Treppeln, Germany) meetings, IPGRI, p 27 à 28.
Sébastien Sol ("E&M" 07 - 08 / Stage à l'ANVL)
Pour en savoir plus :
Site de l'ANVL
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